L’influence de Maya Deren chez Le Wu-Tang Clan – Et si pour avoir un groupe Hip Hop légendaire il fallait une réalisatrice pionnière du cinema ?
Je vous propose cette fois une traversée entre le sweat à capuche et les visages anonymes du Wu -Tang Clan et leurs références à une réalisatrice pionnière du cinéma Maya Deren. Une pionnière et des pionniers se rencontrent.
Comme nous l’avons vu, le sweat à capuche est synonyme de langages, nous avons également vu qu’il a été transformé par une femme, une créatrice, une pionnière en la manière et la matière : Claire McCardell, la bee girl de la mode.
Nous avons vu aussi le caractère indissociable du sweat à capuche et du Hip Hop : Le temps des indissociables.
Aujourd’hui à chaud, je commence cet article. J’ai envie de parler de clip de RAP parce que je sors d’une conférence où mon visage aurait dû être masqué plutôt que marqué de par sa décomposition faciale face à un monde qui prétend savoir… c’est illusoire… de leurs quêtes d’illusions fantasmées et plus que douteuses… Je lis beaucoup d’articles dans le genre aussi cela concerne le rap, la danse, le tag, le graff… A savoir : des personnes pratiquent et/ou étudient en étant dedans. Il faut être dans le réel, dans la vie dans l’immédiat et pas le média mais plus dans le médium sinon immédiatement la critique est en peu plus facile, provocante, violente et dangereuse. Je parle de mes visibles invisibles ce sont des capuches, des visages anonymes du Rap et pas que… le Hip Hop avec toutes ses disciplines est une culture ouverte et non fermée sur elle même. Les personnes se déplacent et vont apprendre des autres. J’ai besoin de dire, de lire, de raconter, d’observer, de voir, de rêver, d’aimer, de me projeter et de partager. C’est être Hip Hop et c’est aussi mon rôle en tant qu’artiste et « cherchieuse » (expression du lexique de Médine mise au féminin voir: Médine à La Plume et le Bitume organisé à l’ENS par Emmanuelle Carinos et Benoit Dufau). J’ai déjà parlé du sujet « clip » dans quelques unes de mes pièces avec les textes qui vont avec dans mon mémoire en 2010 et pour des pièces en 2012 jusqu’à aujourd’hui, ce que je nomme Histoires de mon histoire de l’art. La transmission c’est logique au Hip Hop.
Dans les clips de Rap, nous pouvons retrouver de nombreuses références artistiques, historiques, politiques, sociologues, philosophiques, des messages d’identités d’appartenances que se soit aux Etats-Unis où en France. Je cite ces deux pays car c’est d’eux que sont issues les personnes dont je vais parler puisque, je traite de ces géographies dans mon exploration et ma proposition. Je pense à la très forte conférence «Révoltes postcoloniales et mémoires dans le Rap Français (1992-2012) » de Karim Hammou au Musée du Quai Branly – Théâtre Claude Levi-Strauss, un très grand moment à vivre.
Cela fait un peu près 10 ans que j’entreprends des recherches sur le fameux Hoodie et le décode dans tous les sens et partout. Je l’adore et son histoire est complémentaire avec ce que j’aime donc je le défends quand des personnes l’attaquent, et je lui suit fidèle. Il reflète les rapports sociaux de pouvoir. Travailler sur son histoire peut-être parfois nuisible. Il est « sombre », il est « noir » et à une histoire. Je suis même tentée de dire que celui qui le porte à sa propre histoire et suivant là où la personne se trouve son histoire change de trajectoire.
Je casse des codes et je me fous des conséquences. Je construis.
Maya Deren et le Wu-Tang Clan :
Pour cette article, j’ai donc choisi de vous parler de Maya Deren parce que cette réalisatrice est importante dans l’histoire de l’art. Nous entendons très peut parler d’elle, sans doute car c’est une femme artiste d’avant-garde « rebelle » dans sa démarche que certains nommeraient aujourd’hui DIY ou juste « être Hip Hop dans sa démarche ». Cette femme mérite lumière sur elle, non seulement c’est une femme mais en plus elle est incarne une beauté et de l’élégance. Maya Deren dégage quelque chose de mystérieux, de libre et de très intelligent. La réalisatrice est une pionnière du cinéma Américain et expérimental.
Ici, je voudrais vous parler d’un clip classique d’un groupe légendaire du Hip-Hop : Le Wu-Tang Clan et le clip du titre Da Mystery Of Chessboxin’ sorti le 9 Novembre 1993 qui fait référence à plusieurs oeuvres de Maya Deren. Par ce biais, nous pouvons alors aborder d’autres styles de musiques antérieures au Hip-Hop mais encrées dans son histoire. C’est grimper à l’arbre généalogique et peut être attraper les fruits de la création. C’est raconter une belle histoire. J’ai également avec ses écrits des sources Françaises que je pourrais développer avec des extraits de mes recherches dans un autre article.
Maya Deren réalisatrice, pionnière du cinéma expérimental et féministe avant l’heure :
Maya Deren est une pionnière du cinéma expérimentale à la touche poétique et sensuelle. Née à Kiev en Ukraine en 1917, elle est et morte à New-York en 1961. La réalisatrice est aussi anthropologue, danseuse. Maya nous laisse des films, de nombreux écrits passionnant sur son travail, des essais parfois critiques, sur son rapport à l’art, au cinéma et ses théories autant sur la réalisation que son économie. Ces écrits sont pour moi passionnant, ils sont guidés par la main, le coeur et la pensée d’une humaine. Maya Deren a été assistante de Katherine Dunham dès 1942. Katherine Dunham est très présente dans ses travaux, sa manière de voir le temps, le corps dans l’espace avec ses tensions et ses expressions. Il y a de l’humour, de la réflexion, de l’humain, du féminin, du sens, de l’ émotion et de l’amour. C’est aussi le travail d’étude de la danse à travers ses organisations sociétales, les danses en cercles. Katherine Dunham doit d’ailleurs se tourner et se retourner dans sa tombe en voyant le monde aujourd’hui en vu de beaucoup de ses combats menés qui tombent dans les pays qu’elle a traversé dont la France… Katherine Dunham est une pionnière de la danse Afro-Américaine ( Elle est : danseuse, sociologue, activiste, militante des droits civiques, féministe chorégraphe, anthropologue, ethnologue, artiste femme…) Dans la danse Hip-Hop et dans le mouvement Hip-Hop d’ailleurs, nous pouvons voir l’influence de ma Reine Dunham, l’importance de ses écrits, de ses créations, de sa technique Dunham, son militantisme et de ses engagements. Elle a étudié, dès les années 30, les danses urbaines et sociales leurs organisations, fonctions et formes. Maya Deren s’est intéressée au vaudou et à Haïti grâce à Madame Dunham, elle poursuit les recherches de la reine. La réalisatrice a beaucoup filmé la danse, la transe et travaillé à filmer ces sujets chorégraphiés : penser la danse avec la camera. Elle a étudié les films ( sans son en noir et blanc) et sons anthropologiques, les écrits et les travaux de Dunham cela se ressent notamment dans certains de ses propres réalisations ( J’en reparlerai peut-être un jour parce qu’il y a des liens avec la danse Hip-Hop et l’histoire de la danse Hip-Hop, le cinéma, les clips de rap et leurs symboliques.) Maya Deren c’est aussi intéressée à la danse en tant qu’étude. Elle a travaillé avec Marcel Duchamp. Le point commun entre Frida Kahlo et Maya Deren est que ces grandes artistes femmes étaient qualifiées de «Surréalistes» ( souvent par les hommes) alors qu’elles ne se considéraient pas de la sorte. Elles étaient très lucides des choses. Elles créaient d’une manière intentionnelle.
Le film Meshes of the Afternoon de Maya Deren :
Meshes of the Afternoon est un film de Maya Deren datant de 1943. Ce film à petit budget dure 16 minutes. Maya Deren aimait dire faire des films avec le budget du prix dépensé pour un rouge à lèvre à Hollywood, elle avait donc une élégance et une sincérité certaines. En 1947, ses films remportent le Grand Prix du Festival de Cannes, le premier dans l’histoire a être remporté par les Etats-Unis et le premier par une réalisatrice. Dior c’est récemment inspiré de Maya Deren pour une publicité sur le rouge à lèvre lors d’halloween, nous pouvons le voir sur leur compte instagram.
Meshes of the Afternoon est un rêve froid un film en noir et blanc. Maya Deren chasse une figure vêtue d’une cape noire à capuche. Ce personnage encapuchonné a le visage camouflé par une sorte de miroir ne reflétant pas tout à fait la réalité projetée en son sein. Ce personnage est mystérieux et Maya ne peut l’attraper. Le personnage est inaccessible. Le personnage se retourne, son visage est dissimulé derrière une sorte de chose inqualifiable. Cette chose inqualifiable donne une certaine forme de magie, une sorte de miroir sans reflet et toute l’intrigue du film en est l’illustration. Souvent dans le film, il y a des jeux de transparences sensuelles et de transes avec un tissu qui vient jouer avec son visage comme nous pouvons le retrouver dans la peinture ou la sculpture classique. C’est un film graphique. Peut-être qu’elle parle d’elle dans ce film.
Il y a un cercle, celui du temps qui forme des répétitions et des actions tout au long du film. Le cercle est une figure géométrique analogue au Hip-Hop (et aux abeilles). Une fleur est posée au sol, il y a des jeux d’ombres. Maya est sur le chemin pour sans doute rentrer chez elle. Elle prend sa clé et sa clé tombe. Elle ouvre la porte, puis nous voyons une succession d’anomalies, des objets tombent comme la clé. Un couteau tombe alors qu’il était planté dans le pain, le téléphone n’est pas raccroché, comme tombé. Maya Deren s’endort dans son fauteuil. Il y a un parcours qui se dessine tout au long du film avec des répétitions et des variantes comme dans le Hip-Hop. Je ne vais pas détailler plus ici le film. Il est question du temps celui de l’espace temps, du corps comme dans le Hip-Hop, ce corps entre esprit, terre et ciel. C’est ce corps qui interroge comme celui camouflé sous une cape dans le film qui questionne de par son mystère, sa posture, sa tenue, ce qu’il porte.
Les personnages à capuche dans les films et l’art :
Ce film Meshes of the Afternoon porte une grande influence majeure pour les films courts musicaux aka les clips. Au cinéma, nous pouvons souvent voir des héros avec des capes. La cape est souvent instrumentalisée. La cape donne le ton. Elle est là pour donner figure à un personnage mystérieux que nous ne pouvons appréhender, qualifier au premier abord, elle est aussi là pour donner, définir le rôle du personnage comme le sweat à capuche dans les films, les séries et les clips. Si je vous dis : Le petit Chaperon Rouge… Vous avez tous la même image qui vous vient dans votre tête ou devant les yeux. Si je vous dis Robin des Bois nous avons une autre image et nous changeons : d’âge, de fonction et de couleur. Cette cape peut être aussi synonyme d’anonymat, nous pouvons en voir l’exemple dans les peintures de Charles Cottet avec les femmes en deuils de la belle île qu’est Ouessant. La cape est analogue aussi à un vêtement de deuil, nous l’observons dans l’histoires de l’art au travers de peintures, des enluminures Bretonne. Le fameux personnage l’Ankou par exemple dont le visage est souvent masqué. Ce qui pourrait alors ce rapprocher au mieux d’une sublime photographie appelée Naïa La Sorcière une création de Géniaux Charles-Hippolyte-Jean datant de 1900-1905 se trouvant au Musée de Bretagne à Rennes.
L’influence majeure de Maya Deren chez le Wu-Tang Clan :
Le sweat à capuche amène une intrigue ce qui peut se rapprocher de la cape d’avant. Le Wu-Tang Clan dans son identité, son langage c’est comme qui dirait construit sous sa capuche. Dans le clip Da Mystery Of Chessboxin’, le groupe joue avec ce vêtement universel. Il serre le cordon à fond et le serre en noeud comme une sorte de boucle, un noeud de lacet, ce qui forme des plis, un volume comme une sculpture. Les visages sont dissimulés recouvert parfois d’un espèce de collant. Un personnage se retourne comme dans le film Meshes of Afternoon de Maya Deren. Le visage est recouvert par une sorte de miroir qui nous fait plonger dans un autre espace avec un autre personnage. Ce qui peut nous amener au montage, à l’écriture de la pionnière. Beaucoup de visuels du groupe figurent cette non figure du visage. Dans ses codes de langage l’abeille est présente également chez le Wu-Tang Clan. Ce qui est drôle et sérieux en même temps, c’est que l’anatomie d’un homme à capuche ressemble à l’anatomie d’une tête d’abeille ouvrière, elles sont analogues d’un point de vue formel mais aussi sémantique. J’ai trouvé cela et je n’en suis pas peu fière. Le sweat à capuche venant du milieu ouvrier de New-York et l’abeille étant une ouvrière, le Wu-Tang Clan fait envahir la ville New-York dont il est originaire par des abeilles. Il s’empare d’une armée d’abeilles, les guerrières dont le bruit est accentué dans le clip. Le bruit de l’abeille en Chine est synonyme de peur, allant se faufiler, elles se font comparer au bruit des armées, de la guerre. Nous avons vu la grande place du corps dans l’oeuvre de Maya Deren et ce clip en fait également figure. Les corps jouent dans l’espace. Il y a aussi quelque chose de très graphique et chorégraphique. La caméra suit les personnages.
Wu-tang shaoling chez le Wu et chez Maya :
Dans le générique du film de Maya Deren : Méditation of violence,1948, nous pouvons lire « Based on traditional wriring movements of the wu-tang shaoling shools of Chinese boxing – flute chinise classical music -Drums reccorted in Haïti by Maya Deren – Performance by Chao- Li Chi ». Nous pouvons penser au clip du Wu-Tang Clan – Da Mystery Of Chessboxin’. Le clip et le film sont inspirés tous les deux de la boxe traditionnelle Chinoise. Le groupe est friand d’arts martiaux dans son imagerie. Chez Maya Deren, il y a encore la question du mouvement, du temps, la manière de filmer le corps. Ici, Maya Deren reprend des mouvements en continu de la Boxe Chinoise traditionnelle : le Wu-Tang, le Shaolin et le Schaolin avec épée. Cette épée, nous la retrouvons dans le clip du Wu-Tang Clan ainsi que des mouvements et leurs bruits. Les couleurs utilisées par le Wu-Tang Clan sont celles du Yin et du Yang un emprunt à la philosophie Chinoise et aux couleurs des films de Maya Deren. Cela passe aussi part un jeu de couleurs des sweats à capuche : visages cachés par un collant noir = sweat à capuche blanc/Visages cachés par un collant blanc = Sweat à capuche noir. Il y’ a des variantes temporelles dûes à différentes scènes comme chez Deren. Un logo rond fait figure sur les sweats. Cette logique colorée intervient sur un sol analogue aux échecs : un sol à carreaux noirs et blancs que nous pouvons retrouver dans la graphie des battles mais aussi sur les affiches et flyers Hip-Hop. Nous voyons à la fin, un sublime fondu d’image en vu du dessus des têtes encapuchonnées du jeu d’échec du logo. Il y a des fondus comme chez Maya. Dans ce clip, le groupe de Hip-Hop Américain la présence du corps défini par le sweat à capuche est importante. Il fait devenir étrange. La caméra nous le montre encore avec cette idée de filmer le corps. Les pions sont ces corps, ces corps encapuchonnés sont filmés pour sublimer et rendre corps de ce groupe plus présent comme une force collective comme chez les abeilles.
Ce jeu d’échec nous le retrouvons dans le film de Maya Deren :
Dans At Land, Maya Deren sort de l’eau, rampe et fini par ramper sur une table qui l’amène à un jeu d’échec, des personnes jouent. Maya Deren à l’aide de ses yeux fait bouger les pions du jeu. Le jeu se retrouve sur une plage ou jouent deux dames.
L’idée de la cape que nous avons vu auparavant dans le film Mesches of Afternoon et le jeu d’échec à la mer nous pouvons la retrouver chez Bergman dans Le Septième sceau,1956 qui s’est inspiré de Maya Deren. La mort est souvent représentée par une cape, on ne voit pas son visage comme en Bretagne avec l’Ankou et sa phau. Chez Bergman, un personnage joue avec la mort – Echec et Mat. C’est une chose que nous pouvons retrouver dans l’histoire de l’art comme chez Alberto Pictor : La mort jouant aux échecs. C’est elle qui décide normalement mais avec Maya c’est tout autre chose, elle manipule de ses yeux les pions puis sur la plage elle part avec un pion… elle décide. Elle décide de la partie et s’enfuit avec un pion. Le clip du Wu-Tang Clan s’inspire aussi de cette idée du jeu d’échec. Ils sont des pions. Les couleurs nous l’avons vu sont analogues au jeu d’échec.
Masquer le visage le peintre Bruegel avant la cinéaste Deren :
Je parlais d’analogie entre le sweat à capuche et l’abeille, dans cette idée de masquer le visage des personnages Bruegel le fait d’une manière politique et poétique dans son dessin à la plume Les Apiculteurs,1568. Il masque leurs visage car à cette époque la gloire de l’individu ne l’intéresse pas. Il ne serait donc pas trop… selfi aujourd’hui ! Nous pouvons aussi voir que les tenues amples des personnages nous donne l’idée d’être chorégraphiés. Les têtes des apiculteurs ont leurs visages cachés d’une protection d’apiculture, première iconographie de la sorte pour ce métier, analogue à leurs ruches, cela les ramènent à leurs fonctions. Nous pouvons le voir par la manière dont sont tressés les parties qui cachent la tête. Cette partie qui cache le visage est réellement tressée en rond comme une toile d’araignée ennemie de l’abeille. Dans ses écrits sur l’art et le cinéma Maya Deren nous parle de cela que : les oeuvres aux visages voilés, dissimulés masqués peuvent dégager, donner quelque chose de plus hors expression même de l’artiste mais aller plus loin.
Maya Deren d’abord chez Sun RA et les autres avec un zeste de Bosch :
Le premier clip inspiré par cette idée de masquer les visages n’est pas le Wu-Tang Clan mais Sun Ra ( musicien, compositeur, pianiste américain appartenant à l’Afro-Futurisme ) dans l’introduction à Sun-Ra Space is the Place,1974. Dans ce film musical, il y a quelque chose je trouve, du Jardin des délices de Jérome Bosch. Les détails que nous balaye le champs de vision du film comme nous pouvons l’observer est une traversée contemplative d’un voyage dans l’oeuvre située au Prado à Madrid. Nous retrouvons la référence de la rose de chez Maya Deren avec des fleurs étranges comme médusées ou juste des bulles flottantes et des choses étranges qui se baladent. Dans At Land, le visage de Maya arrive dans des buissons semblables. La notion d’intrigue comme chez Madame Deren est là. Il y a le jardin et la manière d’y rentrer de Maya Deren comme dans At Land. Il y a des bulles qui flottent comme dans la peinture de Bosch et Maya est un peu dans sa bulle, c’est l’idée du rêve. Sun Ra essaye d’attraper une fleur comme Maya. Ici les visages des créatures sont masqués d’un miroir qui reflètent ce qu’il y a autour. Ces personnages aux visages masqués sont vêtus d’une cape comme le fameux personnage de Maya Deren. On peut percevoir qu’ils écoutent Sun Ra les bras croisés sous leur drapé.
Le clip de Janelle Monáe est aussi inspirée de Mesches of Afternoon et de Sun Ra cela va avec ses influences Afro-Futuriste. Elle est aussi suivi par des personnages portant des capes et nous ne pouvons voir leurs visages dans le clip Tightrope. Ce clip passe de scènes intérieures à l’extérieur dans les bois. Les références sont là. Sur scène, Janelle Monáe reprend cette idée de grande cape noire à capuche qui dissimule les visages en arrivant sur Dance or Die.
Jonas Mekas disparu il y a quelques jours a fondé The Film Makers Coopérative en hommage à Madame Deren, vous pouvez y retrouver ses films ainsi que d’autres réalisateurs expérimentaux sur leur site.
Dans sa manière de semer le doute sur un personnage drapé de noir et la manière qu’il apporte à l’intrigue du film sur une atmosphère, je me suis demandée si Karim Boukercha ( réalisateur, scénariste et auteur de riches ouvrages sur le graff) ne s’était pas inspiré de ce film pour écrire et accomplir son court métrage « Violence en réunion » avec Vincent Cassel. L’image de la femme vêtue d’un voile noir comme la dame blanche avec une autre vision plus obsessionnelle d’un fait de société. Nous pouvons aussi penser à l’effet de groupe.
L’observation :
Dans tous les cas, nous pouvons observer que l’univers du groupe Hip Hop du Wu-Tang Clan est analogue et combien inspiré de l’univers féminin de Maya Deren. Il y a des pionniers et une pionnière en avance sur le timing.
C’est une belle histoire, l’histoire d’une petite fille qui quitte avec ses parents un pays en guerre pour fuir l’extreme- droite à cause de sa religion. C’est l’histoire d’une femme pionnière du cinéma, immigrée aux Etat-Unis qui remporta le premier prix pour les Américains au Festival de Cannes et la première réalisatrice récompensée avec des films fabriqués avec le prix d’un rouge à lèvre à Hollywood. C’est l’histoire de cette dame qui au lieu d’avoir la haine de l’autre apprenait sur l’autre avec son intelligence et son regard afin que les nôtres se posent sur nous même ou sur les autres, afin de comprendre, échanger ou partager. C’est l’histoire de Maya Deren qui ne se regardait pas le nombril et qui influence aujourd’hui des acteurs du Mouvement Hip Hop aux Etats-Unis comme en France. ( A suivre…)
Morgan Le Cam
Ps: Vous pouvez bien évidemment retrouver les liens des vidéos clips, films, conférences en ligne .