Hip Hop KnowledgeKnowledgeMusiqueRap

Sortie du documentaire « CLASHER L’ENNUI » une page d’histoire du rap français : Interview avec Fik’s Niavo et Yveline Ruaud

DOCU  – « CLASHER L’ENNUI » Une page d’histoire du rap français

DEGAINE TON STYLE ça vous parle ? Pionnier des battles de rap en France, bien avant Battle Arena ou Rap Contenders, un événement créé à partir de rien par les jeunes d’une ville nouvelle de banlieue de l’Essonne, isolée par sa situation géographique, Les Ulis ; ou quand la politique de la ville de l’époque mène les jeunes à se réinventer, à « Clasher l’ennui » …

« ICI Y A PAS D’FAUX MC » scandait Gyver Hypman qui orchestrait au micro ces clashs devenus mythiques regroupant Sinik, Grodash, Scar Logan, DaPro et bien d’autres.

Fik’s Niavo, rappeur et activiste du groupe Ulteam’Atom, accompagné de sa réalisatrice Yveline Ruaud nous présentent leur documentaire à l’occasion de sa sortie sur la chaîne Youtube de l’ABCDR du Son. Une plongée, riche en images d’archives comme on l’aime, dans cette page de l’histoire du rap français, comme quoi l’effervescence du rap dans le 91 ne date pas d’hier.

clasher l'ennui

Tout d’abord, peux-tu tout nous en dire un peu plus sur toi ?

FIK’S : Je suis Fik’s Niavo, originaire de la ville des Ulis, j’ai grandi dans le quartier des Amonts, que l’on a surnommé LOS MONZAS. J’ai commencé le Rap vers 1996 avec mes potes, mes frères et mon cousin Grödash. On était jeune et on avait des choses à dire…

De l’Amalgam notre 1er groupe à Ulteam Atom notre groupe le plus populaire en passant par nos projets solos, un triptyque nous caractérise : Kicker, Représenter, Revendiquer !!!!!!

YVELINE : Auteure et réalisatrice depuis maintenant 3 ans, je m’intéresse aux questions de villes, aux mouvements dits « alternatifs » et aux contre-cultures qui à la fois nous font réfléchir sur nos sociétés et imaginent d’autres possibles.

Comment t’est venue l’idée de ce documentaire et à qui s’adresse-t-il ?

FIK’S : L’idée est venue d’un échange mémorable avec une documentariste Yveline Ruaud. Elle est la seule personne en 15 ans qui a su me convaincre que l’histoire « presque inachevée » de DEGAINE TON STYLE devait être connue d’encore plus de gens, bien que cet événement que j’ai créé en 2002 avait marqué et secoué le Rap Français de l’époque, surtout la 2eme édition, celle remportée par Sinik.

Moi perso pas mal de gens m’ont déçu à l’époque, mon téléphone sonnait dans tous les sens les sollicitations pleuvaient mais moi je sentais que le truc m’échappait et son essence sociale était incomprise donc j’ai tout plaqué… jusqu’à ce fameux jour où Yveline et Ilan du webzine Noise La Ville m’ont contacté 15 piges après lol.

CLASHER L'ENNUI
CLASHER L’ENNUI – Fik’s Niavo

Comment as-tu entendu parler de l’époque « dégaine ton style » et rencontré Fiks ?

YVELINE : Complètement par hasard ! Un ami, ancien des Ulis qui a connu ces battles m’en a parlé. Il avait des étoiles dans les yeux et ça m’a immédiatement intriguée. J’ai remonté le fil jusqu’à ce qu’on me présente Fik’s Niavo, le créateur de Dégaine ton Style.

Pourquoi as-tu décidé de t’engager dans ce projet ?

YVELINE : Ce projet a commencé très simplement par une série d’articles publiés dans le Noise Magazine et qui forment la trame du documentaire tel qu’il est aujourd’hui. Mais le sujet me semblait si complexe qu’il méritait d’être creusé. Derrière cette aventure hip-hop on découvrait l’histoire d’un groupe d’amis, d’une ville, des questions d’aménagement de la ville, de politiques sociales et culturelles… C’est cette richesse et le soutien de Fik’s, de Noise la Ville et de l’équipe de bénévoles qui s’est constituée qui m’ont convaincue de me lancer dans ce premier projet vidéo.

Comment s’est déroulé le tournage ?

FIKS’S : Il s’est super bien passé car Yveline avait son plan bien en tête, le démarrage fut lent et courtois car je n’accorde pas ma confiance aussi facilement. Moi je suis le producteur du docu, et je me devais de rassurer Yveline sur le ton complètement libre qu’elle avait de réaliser ce projet. Et il se trouve qu’au bout d’une dizaine de longs échanges elle a su retranscrire exactement ce que je souhaitais voir à l’écran. Son écoute, sa concentration infaillible sur l’objectif final plus ses qualités d’écriture ont fait le reste.

Comment t’es-tu inspirée pour sa réalisation ? Quels sont tes choix artistiques ?

YVELINE : L’idée c’était de mélanger des moments de pur hip-hop avec les battles et les souvenirs des habitant.e.s avec leurs réflexions sur le contexte urbain et social de la ville, de partager leur histoire mais aussi leur analyse, leur regard. Le film s’est donc construit en imbriquant étroitement ces deux aspects, que l’on retrouve par exemple avec la profusion d’images d’archives ou encore la musique dont une grande partie a été composée par Gyver Hypman, une figure hip hop emblématique des Ulis.

Yveline Ruaud ©Fiona Forte

Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer lors de la réalisation ou pour la diffusion du film ?

FIK’S : Alors pour la diffusion nous avons rencontré des difficultés de format car dans ce métier on essaie d’abord d’avoir les thunes puis on attaque, nous avons fait tout l’inverse. On s’est jeté à corps perdus dans la réalisation et la fabrication du film sans être trop sûr de rien. Mais au final ça été très bénéfique et très instructif.

De très gros diffuseurs étaient prêts à jouer le jeu mais le fait que nous tenions à notre indépendance, à notre voix off, à la mixture Hip Hop pur / Sociologie urbaine etc… Certains voulaient nous imposer trop de modifications.

C’est notre 1er gros documentaire et il était important d’arriver et de mourir avec nos idées dès le départ. Pour le reste nous avons tout fait seuls avec la formidable équipe qu’ Yveline et Noise -La-Ville ont mis à disposition, donc aucune subvention aucune aide extérieure, que de la débrouillardise mais le résultat reste carré et pro.

As-tu personnellement rencontré des difficultés en tant que femme réalisatrice dans une banlieue ?

YVELINE : Franchement aucune ! On a dû faire face à un nombre incalculable de difficultés, liées notamment au fait que ce soit un projet associatif et bénévole, mais je n’ai jamais ressenti de différence du fait que je sois une femme.

Quelles sont tes attentes après la sortie du documentaire

FIK’S : Nous espérons qu’un maximum de gens le voit et comprenne enfin pourquoi je ne ferai pas de DÉGAINE TON STYLE 4 (on ne sait jamais lool), mais surtout qu’ils captent une punchline essentielle du docu, sortie par P.Kaer:

« N’attend pas que des portes s’ouvrent, créer les tiennes et ouvre les toi-même »…

Fik’s Niavo

 D’autres projets audiovisuels ou musicaux ?

FIK’S : Le retour de l’Ulteam Atom avec notre projet en commun avec Mani Deiz « MAUVAIS PRÉSAGE », l’écriture de mon album solo « FEUILLES BLANCHES, ENCRE NOIRE » et un prochain documentaire déjà en écriture mais chuuut…

Le mot de la fin ?

YVELINE : Je crois que le mot de la fin sera toujours un énorme remerciement à l’équipe qui a permis à ce projet d’exister et à tous les protagonistes qui ont accepté de me raconter leur histoire.

FIK’S : Dans le documentaire CLASHER L’ENNUI, un moment mon frère Bobby dit :

« On a fait DÉGAINE TON STYLE parce qu’on avait le sentiment qu’il n’y avait rien pour nous, ceux qui ont compris ce message c’est à eux de le faire maintenant » 🙂

DOCUMENTAIRE « CLASHER L’ENNUI » disponible ci-dessous :

CREDITS

  • Réalisation : Yveline Ruaud.
  • Production : Les Gros Sourcils, Fik’s Niavo & Kartier Général, Noise la Ville.
  • Musique originale : Gyver Hypman.
  • Musiques additionnelles de Guts (« Pura Vida » – Wax On), Coops (« That Jazz » – Prod. Talos – High Focus Records), et Ulteam Atom (« Clasher l’ennui »).

Un film composé d’interviews et de témoignages de Sinik, Grödash, Fik’s Niavo, Gyver Hypman, John Steell, Bobby Niavo, Templar, Kizito, Da’Pro, Aladoum, M.A.X, Twinky, P.Kaer, Artik, Badsam (Rap Contenders), ainsi que d’habitants des Ulis.

Un grand merci à Virginie Jean pour cet article de présentation du documentaire « Clasher l’Ennui » ainsi que des interviews avec Fik’s Niavo et Yveline Ruaud.

Virginie est d’ailleurs présente dans le documentaire en question où elle est interviewée et où elle décrit l’histoire du 91 et le début des battles rap.

Peace  ✌️

One Love ❤️

Vimae

Virginie, la quarantaine, j'ai grandit avec le hip hop et le crew MKC aux Ulis dans le 91. J'anime, entre autres, un groupe fb qui tend à regrouper les différentes branches du HH dans le 91.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Évènements à venir