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Le visage de Nekfeu et ses capuches vagabondent ( Partie 1)

Le visage de Nekfeu et ses capuches vagabondent – Des habits bretons de grève en 1844 aux vêtements de Français encapuchés et masqués en 2020 ( Partie 1)

Le rappeur se déplace avec elles. Il est protégé par elles. Il partage sa vie avec elles. Elles… elles sont ses capuches, celles qui dissimulent la tête du rappeur Nekfeu. Les capuches sont ses abeilles, elles l’accompagnent comme des étoiles fidèles. Durant quelques mois, tout au long de mes recherches, j’ai observé les langages de la capuche chez Nekfeu. Les langages m’ont donné une vision contemporaine et certaine de mes recherches sur le sweat à capuche. Les déplacements peuvent être physiques, artistiques, mélancoliques, psychiques, analytiques ou historiques. Dans cette contemporanéité et ces questions, je vois la capuche de Nekfeu surtout   de l’ordre du poétique. Nous passons de capuche en capuche et d’histoire en histoire. C’est beaucoup d’aller-retours, à l’image des pensées dans ma tête. Nous passons de la terre à la mer. La capuche est synonyme de voyage.

L’artiste Nekfeu a quitté les réseaux sociaux. L’humain est seul face à ses pensées, habillé de son adorée capuche. J’ai choisi dans cet article de continuer à vous dévoiler, en prenant le large, dans mes idées et non loin de la mer, mes recherches sur le sweat à capuche à travers les langages  du talentueux de Feu. Cette idée raisonne avec mes recherches comme une évidence sous ma capuche. Le déclic a été la sortie du clip Sous les Nuages. Ce clip fait aussi lien avec le dernier article écrit pour Not Only Hip Hop sur Maya Deren et le Wu-Tang. J’ai regardé le film -documentaire Les Etoiles Vagabondes plusieurs fois. J’ai ré-écouté les albums et regardé de rares interviews.

Comme de nombreux artistes à l’univers Hip-Hop, je vais dans des manifestations. Il y a l’observation du monde, de l’actualité qui nous entourent. Nous lisons des livres et des pancartes. Nous nous documentons, nous nous cultivons sur tout, surtout nous sommes curieux. Le sweat à capuche nous est familier, il confine nos corps. Le sweat à capuche nous protège tel un masque.

J’ai commencé cet article au mois de septembre 2019. Je termine cet article nous sommes au mois d’avril 2020. Nous sommes dans un temps particulier et j’ai particulièrement du mal à me concentrer, abasourdie par la bêtise et son manque de logique au temps et à la vie. Il y a mes recherches engagées depuis un temps. Les écrits se sont complétés au fils des mois avec mes observations sur l’actualité. Il y a ce que j’ai vue dans la rue. Nous repartons dans le temps des indissociables. Les choses sont liées entres elles.

Un rappeur et un un homme de la mer du Finistère – 2020 Série Les Indissociables Feutre et posa sur papier 21 x 29,7 cm

 Des visages de l’histoire artistique et les visages des humains.

 Il y a quelques années, j’ai visualisé des photographies de Nekfeu en pensant à James Dean.  Les photographies étaient de Julien Lienard. Je pense avoir vu ces photos pour la première fois dans le magazine les Inrocks, en 2015, offrant en couverture Madame Virginie Descentes et  Monsieur Nekfeu avec « Esprits rebelles » pour titre d’accroche. Pour James Dean, c’était le temps des blousons noirs et ce que cela impliquait comme symboliques. Pour le rappeur l’époque rime plus avec sweat à capuche noir et peu importe le temps. Suivant le temps le changement c’est la couleur. Les photos étaient en noir et blanc analogues à de belles photographies argentiques comme avant : le temps de la pause et le temps de la révélation. La ressemblance et l’habitude étaient présentes. Je ne suis pas restée insensible à l’histoire puisque Katherine Dunham dont Maya Deren fut l’assistante comme nous l’avons vu dans le dernière article. James Dean a pris des cours de danse et de percussions dans l’école de Katherine Dunham à New York. C’est dans cette école où l’acteur de La Fureur de Vivre dansait en collant de danse noir à la barre avec sa chère amie Eartha Kitt au doux message de protection : « ne prends pas cette voiture elle va te tuer »… L’image construit les visages, elle peut idolâtrer, celle-ci peut alors devenir dangereuse. Je me suis dit cela en regardant ce visage et ce corps couvert d’un blouson noir en cuir et en lisant des articles parus avec ce visage contemporain. Les photos rendent iconique le Feu.

Une couverture vs un concert improvisé un 1er mai -2020 Série Les Indissociables Feutre et posa sur papier 21 x 29,7 cm

« Tu connais lvisage mais tu connais pas lhumain »

 

«Tu connais l’visage mais tu connais pas l’humain » est une phrase contemporaine. Cette phrase est l’actualité même. Elle est sortie du texte de Nekfeu : Sous les Nuages . Elle donne a penser dans une époque où tout va vite – vite à l’image des jugements sans valeurs et des délibérations des langues sur les réseaux sociaux. Les mauvaises langues attaquent sans cesse. Une époque où les gens ne prennent plus le temps, ne le pensent même plus, ne le goûtent plus, ne le dégustent plus mais le consomment en gobant. Ces gens pensent rentabilité et finance. La bêtise, ils la consomment à domicile et parfois la font livrer sans réfléchir à tout ce que cela englobe. La bêtise aujourd’hui est guidée car perdue à l’idée de s’occuper de ses enfants à la maison. Aussi irréelle et inimaginable, en ce moment même, elle est conseillée de « ne pas laver ses légumes et ses fruits à l’eau de javel». Les gens s’attaquent sans réfléchir, toute la bêtise du monde est intelligente et pêche ou prêche sa bêtise et répète celle des autres « ils ont dit à la télé » « j’ai vu sur internet » « Je twitte ». La bêtise reposte sans vérifier. Et la bêtise s’adapte et change d’actualité passe du pauvre coq au pauvre âne pris en exemple. La bêtise peut connaître tous les sujets.

La bêtise affiche sa vie individualiste et égoïste. La bêtise partage sa vie en images avec cette quête de la réussite, une vie modèle de carriériste structurée, la perfection des schémas. Les cases sont bien remplies, gobant le temps voyageant à tout va à travers le globe sans non plus se poser de question sur ce que cela englobe. La bêtise n’a pas le temps. La bêtise n’est pas curieuse de l’autre. La bêtise s’intéresse à l’autre de loin, il n y a pas de déplacement sur le terrain, le jeu est faussé par le je. Il faut montrer sa perfection. La bêtise commente car elle, elle est la plus intelligente. Elle sait. Elle s’autoproclame la bêtise. Les gens ne se parlent plus sur les plateaux, ils hurlent leurs bêtises en continue oubliant la politesse et le respect. Il y a le mensonge et la mise en scène de l’ordre, de l’ordre du théâtrale. Il y a aussi l’indécence des fils d’actualités, de la télé et ses chaines en boucles continues.

Si j’ai nommé ma série d’articles « Le Temps des Indissociables » ce n’est pas pour rien. Sous la capuche peut se cacher des cerveaux.

Nekfeu a quitté les réseaux sociaux. Certains « jugeurs » ont vu les choses de manières dramatiques. C’est une sorte de dramaturgie fabriquée d’aujourd’hui. Comme si le rappeur se coupait de la vie. Ce visage matraqué par les caméras, les appareils photo, les portables, se donne du leste et se voit sans nul doute respirer. Le rappeur respire la vie. L’humain est dans la vie. L’humain est dans le temps avec son propre timing, pas le temps imposé donc pas de réponse imposée. Nekfeu est ce genre d’artiste aimant l’anonymat. C’est une élégance la discrétion. La discrétion est elle même élégante. Cela rejoint l’idée de se plonger dans un livre. Un temps de pause peut être une page librement choisie. La lecture c’est un luxe simple – une richesse. Lire c’est la chance de pouvoir se couper du monde. Lire c’est être un peu seul et être au calme avec soi même coupé du monde – prendre un temps pour soi. La capuche nous livre aussi des choses. Lire ce n’est pas forcément lire un livre mais observer les pages de la vie, analyser les lignes – Une page blanche peut être un espace à conquérir par sa pensée pour construire ses idées. Lire l’offrande de la vie. Cette dernière nous offre la lecture du monde. C’est encore une histoire de temps à prendre, le temps de lire, ne pas se laisser submerger par la bêtise, et lire – réfléchir – prendre le temps, de s’éloigner de la bêtise. Aujourd’hui quand tout le monde veut savoir tout sur tout le monde, tout de suite quitte à chercher – à inventer de la malveillance, contempler la vie – la vrai. Ce n’est pas le temps vulgarisé de la bêtise et la violence délibérée de la télé réalité sous les cocotiers. Il y a aussi les requins jouant la carte de la séduction, de la bonne image bien lisse, fabriquée pour se placer – un sourire forcé et calculé. Il y a une certaine malveillance de la bêtise pour gagner et prendre place, doubler, écraser l’autre, mentir et tricher. Les bêtises peuvent posséder les mêmes phrasés travaillés. La bêtise est faussement modeste. Les bêtises peuvent avoir les mêmes intonations et tics de langages – encore un signe de non personnalité. La violence est verbale sans morale.  La bêtise est dangereuse, elle est partout et peut faire mal.

Mettre sa capuche comme Nekfeu c’est prendre le temps d’observer la vie : natures végétales, natures humaines, ou natures animales et les natures urbaines. C’est la vie sensible, le temps de cette observation permet de pouvoir raconter à sa manière la vie. C’est prendre cet instant de création. Une générosité dans un temps où les monstruosités sont financières. C’est être soi et ne pas répondre à des normes et des codes. C’est avoir le respect des autres et de soi. C’est le sens des choses et de la vie.

La capuche est ciblée par la mode, les époques, les journalistes, le juriste, le raciste un peu comme le rappeur ou quelqu’un qui aurait son univers à lui. Nous pouvons penser à Nekfeu et l’un de ses derniers passages sur une chaîne public tard un samedi soir. Dans des circonstances, la capuche est souvent synonyme d’anonymat et cela rejoint la femme et l’homme se couvrant la tête. Il est question des humains. C’est connaître avant de juger.

Le sweat à capuche est jugée comme une pièce à part entière.

Le temps où les fausses buses détectent les visages dans les paysages -2020 Série Les Indissociables Feutre et posa sur papier 21 x 29,7 cm

 

Lanonymat sonne la note du rappeur Nekfeu et les masques de lactualité 

Le clip Sous les Nuages de Nekfeu est sortie le 21 juin 2019. Il a été réalisé par Antoine Besse en 10 jours, dans le Puy de Dôme. Ce clip tourné en pleine nature, nous offre un paysage de fiction, futuriste et fantastique. Parfois, la fiction a pris ses droits sur la réalité, aujourd’hui la preuve en est de l’actualité. Nous pouvons le flairer du nez. Il y a la nature, des visages, des capuches, des masques et des pas de visages.

Ce clip Sous les nuages accompagne des idées que nous avons pu croiser dans le dernière article sur Maya Deren et le Wu-Tang. Nous pouvons y voir des références. Nous pouvons retrouver des symboles d’aujourd’hui et des clins d’oeil à l’imagerie d’autre fois.

Ici, je me rends compte que l’article est en raccord avec ce qu’il se passe en ce moment dans le monde. La nature reprend ses droits. Des hommes ont droit de manipuler de faux animaux  sans ailes battantes planant dans les airs. Ces nouvelles fausses buses peuvent être discrètement malsaines. Ces nouveaux drôles d’oiseaux préviennent leurs proies de rentrer dans leur cocon ou d’y rester. Ces oiseaux à force de rester pourraient marquer des temps mauvais, sécurisés et contrôlés. Ce qui est mis en oeuvre est dangereux et manque de talent dans l’oeuvre sous nos yeux confinés. Les contrôles sont de plus en plus abusifs et violents, il y a de plus en plus d’injustices. Les masques manquent et d’autres tombent.

Le clip Sous les Nuages commence par le bruit d’un hélicoptère, je me suis dit cela, l’un d’entre eux me passe à ce moment même pour la deuxième fois de l’après midi au-dessus de ma tête. Ma tête encapuchée regarde par la fenêtre. Le vent souffle sur les nuages. Une place se libère pour le soleil. Je ne suis pas recherchée. Des personnes à la tête recouverte et masquée volent au-dessus de ma tête, ils aident une personne à respirer à l’aide de tubes. C’est ce que je me dis, c’est la musique actuelle. Je prends le temps de flâner dans mes idées associées.

Nous sommes dans le temps des indissociables.

Dans le clip Sous les nuages, il s’agit d’un drone volant dans les airs et les courant d’air du ciel entre les montagnes. L’élément de haute technologie se prend pour un oiseau recherchant sa proie – Un aigle robotisé de surveillance projète une lumière verte. Une recherche ciblée est en court. Le clip comporte des vidéos de thermographie pour la recherche de personnes. Nekfeu est recherché par une fausse buse pilotée par d’autres. La buse n’est pas libre de ses mouvements. Nous retrouvons des images infrarouges. Se sont les prémices d’une détection d’un corps puis d’une tête recouverte d’une capuche blanche et d’un visage caché par un masque au niveau de la bouche. Les codes graphiques sont similaires à une recherche de reconnaissance faciale. Nous voyons la détection d’un champ de périmètre visuel de recherche. Cette face cachée inimaginable est redoutée par les temps qui courent. Cela peut poser problème en terme de protection de la vie privée. Le drone survole le secteur de recherche. Le drone détecte des formes de visages. Les visages sont dissimulés.

Ce clip nous offre un éventail de personnages masqués et encapuchés. Un premier personnage est filmé, ce personnage porte une capuche assez large et un masque lui cachant la bouche voir le nez. Nous voyons ensuite un autre personnage encapuché dont le visage est masqué par une sorte de kéfié. Dans un paysage « tu connais l’visage mais pas l’humain » une silhouette « infrarougée » à capuche et masquée apparaît comme une femme mystérieuse. Au jour le drone filme et détecte un personnage dans la montagne. Ensuite des personnages sur des quads apparaissent. La mystérieuse à capuche apparaît laissant voir ses cheveux et ses yeux. Cette femme mystérieuse croise les quads. Le mystère est accentué par la fumée. Cette dame blanche fait surface à plusieurs reprises. Il y’a des intrigues.

Des personnages vêtus de noir prennent place également dans le clip, leurs visages sont dissimulés. Ils sont debout sur leurs quads Nekfeu rappe devant eux. Cela peut grandement nous faire penser aux personnages que nous avons pu rencontrer dans le dernier article sur Maya Deren et le Wu-tang. Ces personnages a grande cape à capuche noire, ceux visibles dans le film de Maya, Sun-Ra ou Janelle Monáe. L’intrigue est la même. Et n’oublions pas qu’il est question de  poésie, de visages et de reflets… Les miroirs de la société.

Le rappeur scande, ses yeux sont cachés et sa bouche libérée. L’importante est sa bouche exprimante. Il y a l’importance du corps raccordé à la bouche. Dans ce clip, nous voyons toutes les conditions de l’interdiction de se masquer le visage avec ce qui pourrait le dissimuler nous avons affaire à la politique du visage. Il y a le désir de ne pas être reconnu, de se protéger et de ne pas dévoiler ce que nous avons à l’intérieur – Protéger son être. Le délit de dissimulation du visage devient artistique. Nous regardons dans les yeux. Les yeux s’expriment et nous communiquent des choses de l’intérieur. Contempler les regards pour y découvrir l’humain et son message. Les choses de l’intérieur sortent de la bouche du rappeur. L’importance des jeux de la capuche est là, celle de l’anonymat.

Le personnage à capuche noire masqué de son foulard supprime le drone s’approchant au plus près de lui. De l’auto-défense face au temps de contrôle. Le drone tombe.

Des visages protégés de masques et de capuches -2020 Série Les Indissociables Feutre et posa sur papier 21 x 29,7 cm

Le Temps des Indissociables, Morgan Le Cam – 2019-2020

Morgan Le Cam

Mes projets sont rassemblés sur des analogies poétiques entre l’abeille, l’homme et les cultures populaires, en particulier le Hip Hop. Nous pouvons voir dans mes travaux des empreintes à la sociologie, la littérature, à l’histoire de l’art du cinéma, de la musique, de la danse, de la mode en particulier celle du sweat à capuche qui me passionne et habille certains de mes projets. Les choses sont amenées d’une manière poétisée par des compositions, des couleurs, des mots des phrases et des histoires. Des bases de données permettent de donner forme à mes projets plastiques. J’utilise les formules du dessin, de l’installation, de la couture, de la peinture, de la performance, de la sculpture, du texte, du dessin vectoriel et de la broderie dans le but de transmettre et de partager.

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