On the Floor – Original B-boys : Def Dogz (Partie 1)
Cet article a été rédigé avec l’accord de Anne Nguyen ancienne rédactrice du magazine Graff It, un remerciement spécial à Olivier Jacquet, rédacteur en chef de Graff It (Magazine qui n’existe plus).
Créé en 2000, le groupe Def Dogz compte une douzaine de membres : Yero, Gas (également Zulu Kingz), Rudy, Willy Boy, Kareem, Days, Mims, Xisco et Menno de Hollande (également Hustle Kidz), Roméo (également Créteil Style), Anne (également Créteil Style et RedMask), Jimmy… Avec 8 ans de danse pour la plupart, ces B-boys représentent la génération qui s’est construite à une période où l’influence des anciens diminuait, où les cercles disparaissaient, tandis que les battles organisés se multipliaient et que les vidéos sur internet faisaient leur apparition…
Gas, Yero et Rudy aka DJ Strange racontent : « D’un côté, il y avait Seuls Contre Tous, avec Gas, Willy Boy… De l’autre, Def Crew, avec Yero, Rudy… On se réunissait à la Défense et à Châtelet pour s’entraîner. Puis on a décidé de former un groupe pour faire des battles :
Def Dogz ! » Def pour la Défense : la plupart des membres originels viennent du 92, et la Défense est toujours leur lieu d’entraînement privilégié. Avant de faire des battles sur scène, les Def Dogz dansaient dans des défis lancés dans les cercles, indissociables à l’époque des battles organisés. Ou dans des défis, spontanés ou organisés, au Foyer de la Défense où à la Coupole de Châtelet, lieu mythique de rassemblement des B-boys jusqu’à ce qu’ils s’en soient fait progressivement évincer par les forces de l’ordre, très insistantes depuis 2005.
On allait se défier aux Après-Midi à Colombes, dans des battles comme la Coupe du Monde 2001… A Upside Dance 2002, on a dansé contre les allemands de Flying Steps… A Châtelet, on a dansé contre les Daltons, d’ailleurs, c’était parti en bagarre générale… On dansait dans les cercles en soirée, à l’Enfer, au Globo…
En 2001-2002, celui qui faisait le plus parler de lui était Willy Boy : battles à Châtelet contre Farid Dridi, contre l’équipe de Benji, battle MCM…
Premier battle officiel du groupe : Bboy Challenge à Colombes, en 2001. Depuis, les Def Dogz ont participé au BOTY 2002, aux UK Championships
2006, ils ont fait partie de l’équipe française à IBE 2002… Ils sont souvent invités à l’étranger, notamment dans les pays scandinaves, pour participer à des évènements organisés par des connaisseurs, où le cercle a encore sa place…
Le cercle et le défi
« On n’a pas un palmarès de battles, dit Yero. On n’est pas connus parce qu’on a gagné tel ou tel battle, on s’est fait un nom dans l’underground, dans les cercles. » « Avant de monter sur scène, il faut d’abord montrer qui tu es dans les cercles, dit Gas. L’esprit du cercle, c’est de prouver, de montrer à tout le monde qu’ici, c’est ton cercle, qu’ici, c’est à toi. Tu représentes ton groupe, ta famille. Et s’il y en a un qui n’est pas content, ça part en défi . »
« Tu es là pour montrer tes moves, dit Yero. Pour montrer ta danse, ta personnalité. »
« Aujourd’hui, beaucoup ne savent pas ce qu’est vraiment un cercle, dit Gas. Ils s’entrainent déjà dans leur salle, et quand ils viennent dans les battles, ils rentrent dans les cercles pour s’entraîner ! Il y en a aussi qui rentrent juste pour faire leur truc et puis sortir, histoire de pouvoir dire qu’ils sont rentrés dans le cercle. Il y a aussi ceux qui ont juste envie de danser et qui rentrent parce qu’il y a un cercle. Nous, quand on va dans un battle, on essaye de montrer ce que c’est que le B-boying : on crée les cercles, parfois on va chercher les gens pour qu’ils rentrent dans l’esprit du cercle… » Gas a défié de nombreux Bboys, dans les cercles et parfois sur scène, comme Casper de Boogie Brats (New York) au Chelles Battle Pro 2006. Les Def Dogz ont dansé pour la France dans le battle offi ciel All Battles All à IBE 2002, mais ont refusé de faire partie de l’équipe en 2004 et 2005, où ils ont
préféré représenter dans les cercles. Ils choisissent soigneusement les battles où ils acceptent de participer : Hip-Hop Kamp 2005, 2006 et 2007 (République Tchèque), Floorwars 2005 (Danemark), Circle Kingz 2005 et 2007 (Suisse), Total Call Out 2006 et 2007 (Hollande), Hipnotik 2007 (Espagne), Break Session 2007 (Pologne)… A l’étranger, il y a plus de chances de trouver des cercles !
« On se défi e et on fait des battles parce que c’est un besoin de se tester, dit Yero. Tu ne peux pas rester tout le temps dans ta salle. Avant, quand on s’entraînait à la Défense, on n’avait pas besoin d’aller dans les battles organisés, parce qu’il y avait déjà de l’ambiance, parce que ça partait spontanément en défi s… » « Avant, dit Rudy, il n’y avait pas beaucoup de défis, et quand il y en avait, c’était grave ! » « Les gens, à l’époque, étaient plus des puristes, dit Gas. Quand il y avait un défi , ils kiffaient vraiment.
Maintenant, ils réfléchissent à qui va venir, à contre qui ils vont tomber… Ils choisissent de se défier contre quelqu’un qui a un nom en se disant que grâce à ça, s’ils gagnent, ils auront un grand nom…C’est un état d’esprit médiatique : ils se défient pour qu’on parle d’eux. »
Avant qu’on parle de toi, dit Yero, mieux vaut avoir un bon niveau… Parce qu’un mec peut arriver dans un cercle et éteindre ton nom en une seule journée ! Ça s’est passé comme ça pour beaucoup de Bboys : on a entendu parler d’eux pendant 5 ou 6 mois, et puis ils ont disparu, ils se sont fait éteindre !
Les battles sur scène
« Dans le B-boying, il y a deux vies, dit Gas : le battle et les cercles. C’est deux sensations différentes. » « Dans les battles sur scène, le public te donne une force, dit Yero. Mais tu auras beau te déchirer, il y en aura toujours qui ne comprendront pas ton délire. Et puis il y en aura qui kifferont, mais qui ne le montreront pas. Et ça, ça ne donne même pas envie de danser… Alors que dans un cercle, c’est petit, ça chauffe plus… » « Ca dépend du public, dit Rudy. Si c’est un public de gamines de 16 ans, qui ne comprend rien au Break, ce qu’il voudra voir, c’est des mecs qui sautent sur la main… Par contre, les gens plus âgés aiment voir les gens qui dansent bien. Si tu as un bon style, ils vont l’apprécier. Et si tu pars faire un battle aux States, un battle comme Freestyle Session, dans le public, tu n’auras que des breakeurs, que des gens du Hip-Hop : là, tu ne peux que kiffer. »
Le concept de crew
« On s’est fait beaucoup boycotter dans les battles, dit Rudy. Les gens n’ont pas aimé notre conception de la danse. Pour gagner, il fallait danser comme eux : faire des combis*, notamment… Nous, on ne fait pas de combis, on ne se prépare pas aux battles. » « On est arrivés à une époque où les gens commençaient à oublier les anciens, où c’était la mode des freezes*, dit Gas. Nous, on a commencé le Break par les bases*. Et puis en France, maintenant, tout le monde est ami avec tout le monde… Pour gagner des battles, il faut être dans ce circuit. Alors que nous, notre délire, c’est un délire à la Beatstreet*. On n’aime pas se mélanger, on reste entre nous. On a notre bande et c’est tout. On ne va pas faire des battles avec n’importe qui. C’était comme ça aussi à l’époque des anciens. » « Avant, les gens avaient leur bande et restaient avec, dit Yero. A l’époque de Beatstreet, les Rock Steady Crew ne se seraient jamais mélangés avec les New York City Breakers ! Quand ils se donnaient rendez-vous, c’était pour se défier. Avec la rage. Et parfois, ça allait jusqu’à la bagarre. Quand on a commencé le Break, c’était comme ça aussi. Avant, c’était dur de breaker ! Rien que de trouver un endroit pour breaker, c’était dur. Il n’y avait même pas de salles. A Châtelet, quand tu serrais la main aux mecs, ils te regardaient de travers. Et quand les danseurs de Lyon montaient à Paris, ils se faisaient défier…» « Avant, c’était les mecs de cités qui dansaient, dit Rudy. Les cités du 77, du 91… Maintenant, avec internet, tout le monde se mélange. »« Nous, dit Yero, si on ne fait pas copain avec les autres, ce n’est pas parce qu’on ne les aime pas ! Mais si, quand tu vas dans les battles, tout le monde est frère, alors il n’y a plus d’intérêt, ça se transforme en entraînement ! »
B-boys et breakdancers
« Il y a les breakdancers et les B-boys, dit Gas. Les breakdancers, ce sont ceux qui ne connaissent pas leur histoire, qui ne font qu’exécuter des mouvements, qui suivent le troupeau, la mode des mouvements : aujourd’hui ils vont faire tel ou tel move, demain tel autre… Ils vont donner des noms aux moves…
Les B-boys sont ceux qui connaissent leur histoire, qui représentent vraiment le Hip-Hop.
Il y a des breakdancers qui n’écoutent même pas de rap… Alors que le Break, c’est la danse officielle du rap, de la musique hip-hop. Avant de breaker, il faut connaître son histoire. » Les Def Dogz écoutent du rap old school américain, des années 80 et 90. Un peu de rap français, mais surtout des années 90. Et de la Soul, du Jazz, de la Funk… Rudy est aussi DJ, il fait des battles de scratch*.
La vulgarisation
« Maintenant tu peux regarder des battles en direct sur le net, dit Gas. C’est bien pour ceux qui ne peuvent pas aller dans les battles. Mais d’autre un côté, si tout le monde reste chez soi… » « Il y a trop de vidéos, dit Rudy. Même les mecs forts, on en a marre de les voir ! » « C’est pour ça qu’avant les danseurs étaient créatifs, dit Gas. Maintenant, les débutants ont accès plus facilement aux vidéos qu’à des gens qui pourraient leur apprendre leur histoire, leur expliquer le B-boying. Alors ils se servent. » « Maintenant tu as les trailers, où les meilleurs mouvements sont déjà sélectionnés… Bien sûr, tu peux tirer du bon des vidéos, dit Rudy. Il faut savoir utiliser l’information, comme disait Benji. Certains analysent de mauvais danseurs, et des mouvements qui sont déjà mauvais, car ils n’ont personne pour leur dire ce qui est bien ou pas. » « Le plus important, c’est d’aller vers les bonnes personnes, dit Yero. Si tu as la chance de t’entraîner avec quelqu’un qui a une bonne connaissance, une bonne expérience, là, tu ne seras pas perdu.
Avant, quand il n’y avait pas les vidéos, on prenait plus de plaisir à voir les danseurs. Tu ne les croisais pas souvent, il fallait en profiter… Et puis tu voyais une cassette de temps en temps, mais quand tu la voyais, à l’intérieur c’était une vraie rafale de mecs, de nouveaux moves… Ca nous motivait ! Des cassettes comme Freestyle Session*, il pouvait se passer un ou deux ans avant qu’on les voie… Ça, c’était de la pure information. Maintenant, avec le net, tu vois les mecs tout le temps, tu connais les mouvements de tout le monde. Dans les battles, les mecs connaissent les passages des autres par cœur, et ils refont leurs moves pendant qu’ils dansent, ils les imitent… Dans quel but ? Il faut laisser les autres danser, et danser quand c’est ton tour ! » « D’où l’intérêt aussi de ne pas se montrer, dit Rudy. De rester dans son coin et de ne se montrer qu’une fois de temps en temps. » « C’est toujours bien de ramener la surprise, dit Yero.
Un mec qui arrive à l’improviste, qui fait des trucs que tu n’as jamais vus, qui a un style un peu à part, tu kiffes ! Et si tu ne le revois plus après, les seuls moves que tu auras vus, ça te laissera un petit souvenir, et tu vas te rappeler de ce mec comme d’un mec violent ! Par contre, si tu as la vidéo, tu vas rentrer chez toi et tout analyser, et la prochaine fois que tu vas voir ce mec, tu vas pouvoir prédire tout ce qu’il va faire… Et là, tu vas moins kiffer !
Avec internet, c’est plus dur de durer dans le temps en tant que danseur. On connaît facilement tous tes moves, ta stratégie est dévoilée aux gens. Tu es obligé d’innover ! C’est à toi de t’adapter : il faut venir à chaque fois avec une nouvelle stratégie, de nouveaux moves. C’est pour ça que le Break, c’est beaucoup de mental ! »
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